En 2023, la publication de deux études scientifiques sur les risques cardiaques potentiellement associés au traitement pour le TDAH ont inquiété de nombreuses personnes. Ces études doivent-elles nous alerter ?
Méthylphénidate, des risques cardiovasculaires ?
Deux études "alarmantes" sur le risque cardiovasculaire associé au traitement pour le TDAH ?
De nombreux médias ont réagi bruyamment à la publication des deux études dans JAMA Psychiatry et The Lancet Psychiatry, menées par une équipe suédoise de chercheurs du Karolinska Institutet. Le centre universitaire de recherche a publié fin 2023 sur son site un article qui fait le point sur les deux études. Afin d'éviter tout risque d'interprétation, voici des extraits de l'article, traduits, suivis de la version originale des extraits :
→ FR- “La Suède a un taux de prescription relativement élevé de médicaments contre le TDAH par rapport à de nombreux autres pays européens, il est donc possible que nous sur-prescrivions ici", dit Zheng Chang.
ORIGINAL- “Sweden has a relatively high prescription rate of ADHD medication compared with many other European countries, so it is possible that we over-prescribe here,” says Zheng Chang.
ORIGINAL- “Sweden has a relatively high prescription rate of ADHD medication compared with many other European countries, so it is possible that we over-prescribe here,” says Zheng Chang.
→ FR- L'augmentation du risque était la plus importante au cours des premières années de traitement, puis s'est stabilisée, et elle n'était statistiquement significative qu'à des doses supérieures à 1,5 fois la dose journalière moyenne (ce que l'on appelle la dose journalière définie, DJD). Selon les chercheurs, cela signifie que les personnes traitées avec des doses plus faibles ne sont pas susceptibles de développer une maladie cardiovasculaire.
ORIGINAL- The risk increase was greatest in the first few years of treatment and then levelled off, and it was only statistically significant at doses higher than 1.5 times the average daily dose (so-called defined daily dose, DDD). This means that those treated with lower doses are not likely to develop cardiovascular disease, according to the researchers.
ORIGINAL- The risk increase was greatest in the first few years of treatment and then levelled off, and it was only statistically significant at doses higher than 1.5 times the average daily dose (so-called defined daily dose, DDD). This means that those treated with lower doses are not likely to develop cardiovascular disease, according to the researchers.
→ FR- « Il existe une longue liste de médicaments qui ont été associés à un risque accru comparable d'hypertension lorsqu'ils sont utilisés à long terme, comme c'est le cas ici, de sorte que les patients ne devraient pas être alarmés par ces résultats », déclare Le Zhang, chercheur postdoctoral dans le groupe de recherche du Dr Chang et premier auteur de l'étude du JAMA Psychiatry. « Toutefois, dans la pratique clinique, le risque accru doit être soigneusement évalué au cas par cas par rapport aux avantages reconnus du traitement. Les médecins devraient également suivre régulièrement les patients souffrant de TDAH afin de détecter les signes et les symptômes de maladies cardiovasculaires pendant qu'ils prennent des médicaments à long terme. »
ORIGINAL- “There is a long list of drugs that have been linked to a comparable increased risk of hypertension when used long-term such as the one found here, so patients should not be alarmed by these findings” says Le Zhang, postdoc researcher in Dr Chang’s research group and first author of the JAMA Psychiatry study. “However, in clinical practice, the raised risk should be carefully weighed against the recognised benefits of treatment on a case-by-case basis. Doctors should also regularly follow up the ADHD patients to find signs and symptoms of cardiovascular disease while they’re on medication over the long-term.”
ORIGINAL- “There is a long list of drugs that have been linked to a comparable increased risk of hypertension when used long-term such as the one found here, so patients should not be alarmed by these findings” says Le Zhang, postdoc researcher in Dr Chang’s research group and first author of the JAMA Psychiatry study. “However, in clinical practice, the raised risk should be carefully weighed against the recognised benefits of treatment on a case-by-case basis. Doctors should also regularly follow up the ADHD patients to find signs and symptoms of cardiovascular disease while they’re on medication over the long-term.”
Un résultat à prendre avec précaution
L'article du Karolinska Institutet précise également :
→ FR- Comme il s'agit d'une étude d'observation, il n'est pas possible de conclure que c'est le médicament contre le TDAH qui entraîne un risque accru de maladie cardiovasculaire. Comme le soulignent les chercheurs, cela pourrait dépendre d'autres médicaments, de la gravité des symptômes ou de facteurs liés au mode de vie.
ORIGINAL- Since this is an observational study, it is not possible to conclude that it is the ADHD medication that leads to an increased risk of cardiovascular disease. As the researchers point out, it could depend on other medications, symptom severity or lifestyle factors.
ORIGINAL- Since this is an observational study, it is not possible to conclude that it is the ADHD medication that leads to an increased risk of cardiovascular disease. As the researchers point out, it could depend on other medications, symptom severity or lifestyle factors.
Conclusion
Il semble important de tenir compte du fait que les études évoquées dans cet article indiquent des risques plus élevés pour les personnes ayant de plus hautes doses que le référentiel de 30mg/jour (DDD ou « Dose Définie Journalière »)*.
De nouvelles études devront être menées afin d'évaluer plus précisément si un risque cardiaque est bien lié au traitement du TDAH à haute dose et sur le long terme, par méthylphénidate. Les risques pourraient être liés à la prise d'autres médicaments de façon concomitante, ou à un style de vie exposant à ces risques (éventuellement lié à la répercussion des symptômes du TDAH).
Rappelons que l’absence de traitement peut être préjudiciable pour les personnes avec un TDAH : plus grand risque de MST, d'avoir divers accidents, une mortalité prématurée, etc. Les médecins qui prescrivent le traitement sont toujours tenus d'évaluer les bénéfices/risques de la prise de tout traitement.
Lucile Hertzog
Sources
“ADHD medication discontinuation and persistence across the lifespan: a retrospective observational study using population-based databases”. Isabell Brikell, Honghui Yao, Lin Li, Aske Astrup, Le Gao, Malcolm B. Gillies, Tian Xie, Yanli Zhang-James, Søren Dalsgaard, Anders Engeland, Stephen V. Faraone, Jan Haavik, Catharina Hartman, Patrick Ip, Unnur Jakobsdóttir Smári, Henrik Larsson, Kenneth KC Man, Juliana de Oliveira Costa, Sallie-Anne Pearson, Nina Pil Hostrup Nielsen, Harold Snieder, Theresa Wimberley, Ian CK Wong, Le Zhang, Helga Zoega, Kari Klungsøyr, Zheng Chang. Lancet Psychiatry, online 27 November 2023, doi: 10.1016/S2215-0366(23)00332-2.
“Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder Medications and Long-Term Risk of Cardiovascular Diseases”. Le Zhang, Lin Li, Pontus Andell, Miguel Garcia-Argibay, Patrick D. Quinn, Brian M. D’Onofrio, Isabell Brikell, Ralf Kuja-Halkola, Paul Lichtenstein, Kristina Johnell, Henrik Larsson, Zheng Chang. JAMA Psychiatry, online 22 November 2023, doi: 10.1001/jamapsychiatry.2023.4294.
"New findings on long-term treatment of ADHD and link to cardiovascular disease" Karolinska Institutet, 28 novembre 2023.
* https://ansm.sante.fr/uploads/2021/04/07/rapport-methylphenidate-vf.pdf
"Les données recueillies pour huit pays européens8 ainsi que pour les Etats-Unis mettent en évidence une très forte disparité de l’utilisation du méthylphénidate au cours des années 2012-2014. Elles montrent également que les tendances diffèrent d’un pays à l’autre. Toutes ces données ont été converties en nombre de « Defined Daily Dose » (DDD) - ou « Dose Définie Journalière » (DDJ) en français, lorsqu’elles n’étaient pas directement exprimées dans cette unité.
La « Dose Définie Journalière » constitue une posologie de référence pour un adulte de soixante-dix kilos dans l’indication principale de chaque molécule. Cette dose moyenne ne reflète pas nécessairement la posologie recommandée par l’AMM ni la posologie effective : elle constitue un étalon de mesure fixé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à des fins de comparaison internationale et d’analyse statistique."